vendredi 30 mars 2012

Beethoven Serein



Le billet suivant est une reprise d'un Quinze que j'en pense, datant originalement du 30 mars 2012.

Le contenu de la réflexion fut modifiée pour sa reprise sur L'Idée Fixe.




Le Projet Beethoven

En 2011-12, j’ai entrepris un projet de baladodiffusions mensuelles (ou à peu près) qui explorent l’intégrale des concerti et des symphonies de Beethoven. Ma baladodiffusion de cette semaine fait partie de ce projet – tout comme mon dernier QQJP – et nous ferons l’écoute du quatrième concerto pour piano et de la symphonie pastorale.

Le thème de cette semaine, qui accompagne une courte thématique de baladodiffusions sur le printemps et le renouveau, propose la sérénité qui accompagne un séjour à la campagne. Vous avez sans doute une anecdote préférée qui concerne notre cher Ludwig, mais celles qui me sont familières suggèrent un Beethoven belliqueux, même volatile, qui n’avait aucun problème quant au congédiement d’une femme de ménage. On dit que Beethoven était (comme plusieurs d’entre nous) une caféphile – probablement un caféiomane – qui exigeait une tasse de son breuvage de prédilection résultant de l’infusion de … 60 grains de café 


Tout ça pour dire que Beethoven et sérénité ne vont pas nécessairement main dans la main… Toutefois, les trois pièces réunies ici aujourd’hui représentent un trio qui illustre un sens du paisible, voire même ouvert à la réflexion et au délices de la contemplation.

La sonate pour piano no. 15, dite «pastorale» a sans doute un surnom qui fut apposé par les éditeurs et non pas par le compositeur. Si l’allegro initial et le rondo final sont des mouvements relativement légers et atmosphériques, les sections qui se retrouvent en sandwich entre les deux sont fougueux et loin d’êtres aussi légers.

Nous avons discuté du concerto et de la symphonie d’aujourd’hui dans le contexte de leur première dans un billet qui présentait des clipsYouTube recréant l’avant-entracte de la célébrissime académie de concert du 22 décembre 1808. Le concerto a ceci d’unique et de particulier: l’introduction du mouvement initial innove avec l’entrée en matière du piano seul, accompagné par l’orchestre qu’une fois que le premier thème est exposé. Cette approche, ainsi que l’élégant Andante du mouvement lent, confèrent un sens introspectif et serein. Le brillant rondo de la finale du concerto est magnifique, et parvient à mon avis à maintenir l’aspect contemplatif du concerto – c’est un mouvement virtuose mais pas un mouvement qui martèle le piano comme, disons, le finale de l’Empereur.

Quant à la symphonie, son programme campagnard fait l’objet de tant d’articles et d’analyses… Je n’ai ici rien de neuf à ajouter. Nous reviendrons à l’aspect particulier de la performance que j’ai choisi un peu plus loin.

Les performances

Dans les trois cas, j’ai choisi des performances de ma collection personnelle, qui proviennent d’écrins d’intégrales des sonates, concerti et symphonies de Beethoven. Chacune de ces collections méritent que je m’y attarde un peu.

Tout d’abord, à propos d’intégrales en général, et d’intégrales Beethoven en particulier. Dans le cas de ce compositeur plus que d’autres je dirais, il y a une tension qui existe entre créer une performance d‘une œuvre individuelle versus la création de l’ensemble des œuvres dans le cadre d’un esprit de synthèse globale. Le cas des sonates pour piano de Beethoven est, je crois, plus propice à cette tension que le cas des concerti, par exemple.

J’ai entendu un bon nombre d’intégrales, par des pianistes d’avant ou contemporains à la Deuxième Guerre Mondiale (Schnabel, Kempe et Badura-Skoda me viennent à l’esprit) et de pianistes de générations subséquentes (Silverman, Kuerti et l’écrin d’aujourd’hui d’Ashkenazy), et je trouve que la grande majorité de ces pianistes abordent leurs intégrales comme un ensemble. Il est donc un peu malhonnête d’isoler une sonate et de l’offrir sans entendre les autres.

Certaines sonates (La Hammerklavier, ou la sonate du clair de lune, par exemple) sont des pièces qui peuvent être jugées isolément à cause de l’aspect technique ou la virtuosité requise pour les rendre pleinement, mais la Pastorale entre dans le groupe de ces sonates qui sont le maillon d’une grande chaîne.

Ashkenazy a commis sur disque deux groupes (sinon, deux intégrales) d’enregistrements de ces sonates: un premier est «analogique» et un deuxième – d’un Ashkenazy plus mature, plus économe, est «numérique». Il y a une dizaine d’années, la maison DECCA a réédité l’intégrale analogique (avec une ou deux sonates du cycle numérique et l’Andante Favori WoO 57) dans un écrin prix-budget. 


La pastorale d’aujourd’hui vient de cette collection. Compte tenu de la longueur de la baladodiffusion d’aujourd’hui, je n’ai monté que le premier mouvement de la sonate – je vous propose en complément d’écouter la sonate complète sur la bibli musicale: http://www.mqcd-musique-classique.co...ead.php?t=4163

Je compte deux écrins d’intégrales des concerti pour piano de Beethoven: Perahia/Concertgebouw/ Haitink de la fin des années 1980, et celle choisie aujourd’huii, Lupu/Israel/Mehta, des premiers jours du numérique, donc datant de la fin des années 1970. 


Radu Lupu est un grand pianiste, et sa conception des concerti de Beethoven rejoint celle des grands pianistes Soviétiques (Gilels et Richter), amalgame de musicalité, virtuosité et technique, trahissant la formation du pianiste Roumain au conservatoire de Moscou sous Heinrich Neuhaus. M. Mehta et son orchestre sont des partenaires adéquats, même un peu subjugués dans cette intégrale, mais Lupu vole la vedette, comme il se doit.

Parlant de collections, mon projet Beethoven a fait un effort d’échantillonner mes quatre intégrales des symphonies de Beethoven, et mon acquisition la plus récente dans ce domaine est l’intégrale Haitink/London Symphony pour le label-maison de l’orchestre, LSO Live. 


Je dois passer aux aveux – ma Pastorale préférée fut endisquée par Michael Tilson-Thomas et l’English Chamber Orchestra (en analogique, fin des années 1970) faisant partie d’un effort du chef américain (alors un jeune loup du podium) qui explora les symphonies de Beethoven dans un contexte «réduit». Comme la plupart des mélomanes d’un certain âge en attesteront, de tels efforts avant la «vague authentique» des années 1980-90 étaient risqués, alors que les chefs établis dans ce répertoire (Karajan, Bernstein entre autres!) voyaient Beethoven joué dans des proportions romantiques, suivant la tradition établie par Mahler un siècle plus tôt (d’ailleurs, Mahler aurait révisé les orchestrations de Beethoven afin d’accommoder des effectifs plus musclés, disons). L’écoute de la Pastorale de Tilson-Thomas m’a révélé des accents jusqu’alors étouffés par la masse orchestrale. Les interprétations de période (Norrington, entre autres) furent décevantes pour moi, car elles me semblaient forcer la note avec l’usage d’instruments d’époque et l’ajustement des fréquences relatives des notes qui s’y rattachent.

Ce que M. Haitink tente, et réussit, c’est d’utiliser une édition musicologique (celle de Jonathan Del Mar) et de l’éxécuter avec un orchestre aux proportions modestes jouant des instruments modernes. On retrouve donc l’intimité et la clarté requise, sans les artifices des instruments d’époque. M. Haitink approche donc l’ensemble des symphonies de cette manière, et sa Pastorale se veut la plus réussie du lot.

Le Montage

Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827)

Extrait de la Sonate no. 15, en ré majeur, pour piano "Pastorale", op. 28
Premier mouvement (Allegro)
Vladimir Ashkenazy, piano

Concerto no. 4, en sol majeur, pour piano et orchestre, op. 58
Radu Lupu, piano
Israel Philharmonic Orchestra sous Zubin Mehta

Symphonie no. 6, en fa majeur, pour orchestre "Pastorale"
(Ed. Jonathan Del Mar, Bärenreiter-Verlag, 1997)
London Symphony Orchestra sous Bernard Haitink

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