lundi 30 septembre 2013

« S » pour… Scriabine




Le billet suivant est une reprise d'un Quinze que jèen pense, datant originalement du 30 septembre 2013.

Le contenu de la réflexion fut modifiée pour sa reprise sur L'Idée Fixe.

La réflexion d’aujourd’hui propose une playlist YouTube qui met en évidence trois œuvres majeures et une série de préludes pour piano d’Alexandre Scriabine (1872 - 1913). Certaines des sélections sont également disponibles dans la bibli musicale du forum.

Scriabine est à la musique Russe ce que Schönberg est à la musique germanique – une voix moderne, qui propose une réévaluation des modèles conventionnels. Ce qui est encore plus intéressant, est que cette réévaluation transcende le schisme réel qui existte entre les deux écoles prépondérantes en Russie (pour plus de détails, je vous propose de relire le long essai de Jonathan à ce sujet ).

La musique Russe à la fin du XIX e siècle se veut polarisée, avec ses grands artisans enchâssés dans deux camps distincts : l’école de Saint-Pétersbourg (qu’on identifie spécifiquement par le groupe de la Moguchaya kuchka – ou le groupe des cinq: Balakirev, Mussorgski, Rimski-Korsakiov, Borodine et Cui - et l’école de Moscou, dominée bien sûr par Tchaïkovski.

L’aspect polarisant de cette situation atteint, d’après moi, son apogée lors de la création de la première symphonie de Rachmaninov . Rachmaninov, un élève expulsé du conservatoire de Saint-Pétersbourg, termine sa formation et établit sa réputation au conservatoire de Moscou. Toutefois, sa première symphonie sera créée à Saint-Pétersbourg, sous la direction de Glazounov (un émule du groupe des cinq) et César Cui écrira la critique impitoyable qui hantera Rachmaninov pour plusieurs années, et l’entraînera dans un cycle néfaste qui exigera l’intervention d’un psychologue-hypnotiste!

Scriabine fut de son vivant un pianiste et compositeur d’importance. Selon le biographe Faubion Bowers « Peu ne furent aussi reconnus de leur vivant, et peu furent oubliés aussi rapidement après leur décès. ».


Durant les années 1880, Scriabine suivra des leçons de piano avec Nikolai Zverev, qui enseigne également un autre talent précoce, Serge Rachmaninov. On peut voir Scriabine (dans son uniforme de cadet) et Rachmaninov (derrièere l’épaule gauche du maître) sur la photo de groupe ci-haut. Scriabine et Rachmaninov partagent non seulement le même maître, ils sont tous deux issus de familles aristocratiques, et seront des étudiants au conservatoire de Moscou (promotion de 1892).

L’oeuvre de Scriabine (comme celle de plusieurs compositeurs tels Schönberg ou Stravinski) évolue; suivant au départ un style lyrique (qui rappelle Chopin), et se transforme dans un langage moderne – développé indépendemment de la Deuxième Ecole Viennoise ou autres cercles d’influence contemporaines – qui use de dissonance et même d’aspect mystiques.

Scriabine est considéré à la fois innovateur et controversé – néanmoins il influence des compositeuirs occidentaux (tel Roy Agnew) et soviétiques (Prokofiev et Stravinski). Son confrère Rachmaninov et les grands pianistes Russo-soviétiques (Horowitz et Gilels) furent de grands interprètes de son œuvre pour piano. D'ailleurs la Playlist YouTube assemblée pour la circonstance propose un enregistrement Stéréo de la 3e sonate et d’un groupe de préludes interprétés en 1955 par Horowitz. Il faut noter que, même si Scriabine est un diplômé en piano, on ne peut le comparer pianistiquement à Rachmaninov. Autant Rachmaninov pousse l’enveloppe de la performance pianistique, Scriabine pousse plutôt l’envelope des traditions musicales de son époque.

Son unique concerto pour piano est un intéressant compromis entre les grands concerti romantiques et l’exploration cérébrale.

En fin de programme, j’ai retenu le Poème de l’Extase, sous la direction de Pierre Boulez – donc dirigé par un autre incontournable du langage musical moderne. Une lecture incisive.

Bonne écoute!

Alexandre SCRIABINE (1872 - 1913)

Sonate pour piano no. 3 en fa dièse mineur, op. 23 ('Etats d'âme')
Préludes (sélections)
  • op. 11 n°1 (ut majeur)
  • op. 11 n°10 (ut dièse mineur)
  • op. 11 n°9 (mi majeur)
  • op. 11 n°3 (sol majeur)
  • op. 11 n°16 (si bémol mineur)
  • op. 11 n°13 (sol bémol majeur)
  • op. 11 n°14 (mi bémol mineur)
  • op. 15 n°2 (fa dièse mineur)
  • op. 16 n°1 (si majeur)
  • op. 13 n°6 (si mineur)
  • op. 16 n°4 (mi bémol mineur)
  • op. 27 n°1 (sol mineur)
  • op. 31 n°2 (fa dièse mineur)
  • op. 48 n°3 (ré bemol majeur)
  • op. 67 n°1 (Andante)
  • op. 39 n°2 (ré majeur)
Vladimir Horowitz, piano

Concerto pour piano en fa dièse mineur, op. 20
Margarita Fyodorova, piano
Orchestre Symphonique de Radio-Moscou
Fuat Mansurov, direction

Symphonie no.4 en ut majeur, op. 54 ('Le Poème de l'extase')
Chicago Symphony Orchestra
Pierre Boulez, direction


0 commentaires:

Publier un commentaire

 

Pages vues la semaine précédente