vendredi 20 juin 2014

C'est arrivé le 21 juin 1954

En avant-propos, une réflexion personnelle; la réflexionmusicale suit plus loin

Un Coup de Vieux

Plus tard ce matin, vers 10 heures 30, mon épouse et moi serons assis dans un gymnase mal aéré, afin d’assister à la remise des diplômes de la promotion de 2014 à l’École Secondaire Catholique Béatrice-Desloges ici à Ottawa. Un moment – en fait, une journée – pleine d’émotions pour notre fille cadette qui met fin à ses études secondaires aujourd’hui, et entame le prochain chapitre de sa vie et de ses études en septembre prochain.

Nous étions dans ce même gymnase il y a trois ans, afin d’assister à la remise des diplômes de la promotion de 2011 et le tremplin de notre autre fille dans le monde adulte. Dans son cas, hormis un séjour court et oubliable aux études post-secondaires, elle a trouvé chaussure à son pied sur le marché du travail et je peux vous rapporter que dans l’ensemble les choses vont bien pour elle.

Il y a trois ans également, notre aîné recevait un diplôme collégial, et se promettait d’entamer une carrière universitaire, chose qu’il a complétée ce printemps. Il est maintenant titulaire d’un baccalauréat en sciences de l’activité physique.

Dans les prochaines semaines, frère et sœur comptent aménager ensemble et partager un appartement. Tant qu’à notre cadette, elle quittera le nid familial également pour ses études.

Les circonstances ont conspiré afin que notre nouvelle finissante poursuive ses études à une université à plus de 600 km de chez nous. Il y a de l’appréhension de part et d’autres évidemment, et l’ensemble des circonstances ont ramené à la surface un tas de sentiments et de souvenirs, vieux maintenant de 30 ans, un étrange parallèle avec mon expérience personnelle.

Il y a trente ans presque jour-pour-jour, j’étais moi aussi un finissant, mais dans ce cas-ci un finissant universitaire, recevant mon bac en Physique. Comme ma fille, il y avait un plan: des études de deuxième cycle à une université lointaine et, comme elle, ma première expérience de vie étudiante loin de ma famille, avec tout ce que ça implique: le relogement, la séparation, l’incertitude… Contrairement à elle, toutefois, j’avais 22 (presque 23) ans et j’avais une bonne idée de ce que la vie d’étudiant universitaire représente, et du besoin de trouver un équilibre sain entre la routine étudiante et la «vie sociale».

Il ne faut pas minimiser l’aspect séparation dans cette considération – et ceci d’autant plus pour une jeune adulte qui fait ses premiers pas «en solo». Ma relation avec ma famille, et mon frère en particulier, était des plus étroites et – chose un peu déplorable – une fois qu’on coupe les ficelles, les choses ne sont plus jamais les mêmes. On vieillit, on trouve son chemin, on se crée de nouveaux réseaux et souvent l’éloignement et la distance font qu’on s’éloigne et on se distance. Il est difficile à dire si c’est pour le meilleur ou pour le pire, mais c’est sûrement différent. Tout le monde change, même si fondamentalement on n’a pas changé.
On ose croire que l’expérience qui attend notre fille l’aidera à se développer professionnellement et s'épanouir personnellement, et à se façonner une identité. Mon désir est qu’elle développe une confiance en soi grandissante sans toutefois oublier qu’elle est déjà une personne de grande qualité, dont nous sommes tous fiers.

J’entends bien profiter au maximum des quelques semaines qui restent avant qu'elle nous quitte!

Trente ans déjà

Les choses sont relatives comme on le dit, et il semble que d’avoir trente ans (quand on en a 23) c’est vieux.

Je me souviens très bien de mon frère à 30 ans: célibataire, ambitieux, et en transition dans sa vie personnelle. Il ne se doutait probablement pas qu’il trouverait l’âme-sœur ce même été, et qu’is seraient ensemble encore aujourd’hui, après avoir fondé leur propre famille. Mon frère et moi et notre entourage (je vous épargnerai les noms, mais il s’en souviendra sûrement…) étions assis dans le salon de son logement (il occupait l’étage supérieur du duplex familial) lorsqu’inopinément, on sonne à la porte avec une « livraison spéciale ». Le paquet contenait tout simplement une cassette audio. Il la met dans la platine, et on entend une interprétation parfaitement oubliable d’un tube de l’époque (« It feels like I’m In Love » si je ne m’abuse). On se regarde: voyez vous, la personne qui avait fait parvenir la cassette travaillait au sevice national des Postes, et était une dame que nous connaissions tous très bien, que mon frère avait fréquenté pour une très courte période quelques semaines auparavant. On se demandait tous s’il y avait un « message caché » dans cette cassette… En fin de compte, il n’y avait rien de sinistre dans toute cette histoire  la cassette était un « mix » composé par la dame en question, envoyé tout simplement à mon frère comme cadeau d’anniversaire.

Je ne sais pas pourquoi cet incident oubliable et anodin m’est revenu à l’esprit récemment, sauf peut-être pour me rappeler que pendant cet été de 1984 mon frère et moi étions presque inséparables, et que ce sont ces moments spontanés, banals même, que je garde précieusement, qui manifestent une certaine insouciance de ce qu’on peut appeler une jeunesse longtemps passée (même si nous n’étions plus « jeunes » mais bien des adultes).

Demain, le 21 juin, marquera un jalon remarquable pour mon frère – ses 60 ans. Il n’y a pas si longtemps, on aurait dit que 60 ans c’est « vieux », mais dans le contexte du XXIe siècle, 60 ans c’est le moment où on entame le « dernier droit », cette dernière folle étape d’une longue course, avec le fil d’arrivée (la retraite) bien en vue. Pour certains, le dernier sprint exige qu’on fouille dans ses réserves et qu’on se vide complètement, rampant presque jusqu’au fil d’arrivée. Pour d’autres (et je souhaite que ce soit le cas pour mon frère), le dernier droit exhorte un souffle renouvelé, et on finit la course avec encore plein d’énergie, de quoi se payer un autre tour de piste!


Non, Michel, je ne t’enverrai pas une cassette pour ta fête, mais j’espère que tu prendras le temps d’écouter le montage de cette semaine, qui partage avec toi un anniversaire notoire. Avec l’expression de tous mes meilleurs sentiments pour notre nouveau sexagénaire – sachant fort bien que ce sera mon tour dans 7 ans… 






Le  montage # 161 est disponible pour écoute et téléchargement depuis la chaîne Community Audio du site Internet Archive à l'adresse suivante: https://archive.org/details/pcast161


pcast161-Playlist.pdf

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Dans un petit hôpital privé – depuis longtemps disparu – sur le boulevard Rosemont près de la rue Chabot, on s’apprête à mettre au monde un certain petit monsieur (il verra le jour vers 10 heures ce soir-là). Mais il y a un autre monsieur qui laissera un souvenir indélébile ce même soir, mais cette fois-ci sur les ondes de la radio d’État. Dans un billet publié en anglais originalement sur mon blog du mardi il y a trois ans, et repris en français ici, j’ai fait allusion à ce qui sera mis en ondes ce soir-là.

On parle de Glenn Gould et des Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach.

Comme je l’avais alors écrit, l’association Gould et Goldberg est l’une de ces associations légendaires entre un artiste et une œuvre, l’apparent parfait mariage entre la technique impeccable d’un pianiste et du mythe de la pièce, dédiée par Bach à un mélomane insomniaque.

Glenn Gould et la Société Radio-Canada

Afin de mettre les choses dans leur contexte, il faut rappeler que Glenn Gould est un artiste qui a une place de choix chez notre diffuseur d’état. Entre autres, Gould sera du gala télévisé qui marque la mise en ondes du service télévisuel de la SRC (ou de la CBC, si vous préférez) en septembre 1952, et il est régulièrement invité à se produire à la radio lors de l’émission Distinguished Artists (trad. Lit.: artistes de distinction) à un point tel qu’il signe ses correspondances « Glenn Gould, D.A. », proposant ceci comme un titre de noblesse!
Beaucoup des prestations de Gould sur les ondes de la CBC qui précèdent le lancement de l’album des Variations Goldberg chez Columbia (un des disques classiques les plus vendus, point final) furent conservées parmi les archives audio de la société sous forme d’enregistrements-témoin sur acétate. Suite au décès prématuré du pianiste (il y a maintenant plus de 30 ans), la CBC a procédé à un effort de restauration numérique de ces enregistrements, qui incluent des diffusions de musique de Bach, Beethoven et de compositeurs de la Deuxième Ecole Viennoise, tous des chevaux de bataille pour le pianiste. Un écrin de ces prestations (Gould,the Young Maverick) futl’objet d’une de mes chroniques du Disque, ainsi que d’un montage en janvier2012.

L’association entre Gould et la CBC continue tout le long de sa carrière, et prend un virage particulier après que Gould cesse de se produire en public en 1964, alors qu’il produit des documentairesradiophoniques en plus de s’offrir en studio comme interprète. La maison Radio-Canada à Toronto est doptée d’un studio-amphithéâtre conçu spécifiquement pour les concerts de musique classique qui pote le nom de « Glenn Gould Studio » et on retrouve devant l’entrée principale la statue de RuthAbernethy montrant Gould assis sur un banc.

Le Montage

Si on revient à l’éphéméride musical pour aujourd’hui, le montage ouvre avec la prestation des Goldberg datant du 21 juin 1954. Sans aller dans le détail (mon article de 2011 propose une certaine analyse) la prestation radio offre un avant-goût du résultat New-Yorkais qui suivra l’année suivante (juin 1955), et dans certaines variations, présage même la version numérique de 1981! Il est clair que la vision qu’a Gould de cette œuvre est une conception changeante, dynamique, et qu’après seulement un an, son jeu démontrera plus d’applomb, de confiance et une meilleure maîtrise de la partition. Certains noteront que même le thème (l’aria) est joué plus lentement, plus délibérément que la version mono de 1955, mais dans un tempo beaucoup moins exagérément lent qu’en 1981… Ceci étant dit, Gould est en grade forme ce soir-là, et il offre une prestation généralement dépourvue des écarts de conduite habituels du pianiste. Disons qu’il se comporte comme un artiste sérieux, et non pas comme un excentrique!

En complément de programme, toujours du même écrin d’enregistrements-témoin, d’autres Bach de la même période: la Partita no. 5 et l’ensemble des inventons à deux voix. Gould reprendra en studio l’ensemble des partitas et l’ensemble des inventions à deux et trois voix pour la maison Columbia et, comme pour les Goldberg, on a droit à un aperçu du « génie au travail », qui apprend et digère ces pièces afin de les programmer dans son répertoire. La partita, selon les Archives Nationales du Canada, furent reprises maintes fois sur les ondes de la SRC, donc est sans doute sa préférée parmi les 6 suites pour clavier seul du compositeur.

Notons l’ordre particulier des inventions, qui est un ordre choisit par le pianiste, et qu’il reprendra en concerts publics, dont lors d’un concert à Moscou (qui fut distribué posthumément par la maison Sony en couplage avec les Goldberg, version du festival de Salzbourg en 1959).

Un dernier mot à propos de la qualité sonore: dans l’ensemble, les techniciens de la SRC on fait un travaiil remarquable avec la restauration de ces acétates, mais vous prendrez note de certains bruits de fond et de distorsions inévitables dans le cas de ces transferts . La prise de son mono est typique pour la radio à l’époque et n’enlève rien au mérite de ces prestations. L’oreille s’adapte facilement.


Bonne écoute! 


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