vendredi 14 novembre 2014

C’est arrivé le 14 novembre 1940





Le  montage # 173 est disponible pour écoute et téléchargement depuis la chaîne Community Audio du site Internet Archive à l'adresse suivante: https://archive.org/details/pcast173


pcast173 Playlist

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Sans vouloir forcer la note, j’aimerais commencer le billet d’aujourd’hui avec quelques-uns de mes propos de mardi dernier, concernant la Guerre et les guerriers. En somme, j’ai la conviction qu’on peut – en fait, qu’on doit – faire la distinction entre les conflits armés et les honorable gens qui ont choisi de faire carrière au service de nos Forces Armées.

Dans ma profession, j’ai eu affaire avec un grand nombre d’officiers des Forces Armées de plusieurs pays du monde Occidental, et je crois que je pourrais dire sans me tromper qu’aucun d’entre eux se considère un “amant” de la Guerre. La Guerre fait partie de leur travail, rien de plus, rien de moins.
Je ne crois donc pas qu’un message anti-guerre se doit d’être perçu comme un message anti-guerrier. J’ai le plus grand respect, la plus grande admiration pour ceux et celles qui ont choisi de faire carrière parmi les Forces Armées, comme tout le monde d’ailleurs, j’en suis sûr.

C’est donc dans ce contexte que je vous propose ma sélection musicale d’aujourd’hui.

Pendant la nuit du 14 novembre 1940, la Luftwaffe allemande procède à un raid qui détruira une grande partie de la ville Anglaise de Coventry, incluant sa cathédrale millénaire. Au lendemain de ce raid, la population embrassa le projet de reconstruire sa cathédrale, un geste qui se veut plus qu’une tâche de brique et de mortier, un projet représentant le renouveau, l’espoir, la rédemption de la Nature Humaine.
C’est Sa Majesté la Reine qui posera la pierre angulaire le 23 mars 1956, le début d’un projet où s’élèvera une nouvelle Cathédrale côte-à-côte des ruines de la vieille. Un peu plus de six ans plus tard. Le 25 mai 1962, aura lieu la consécration du nouvel édifice, et l’occasion d’un grand Festival d’arts pour lequel le compositeur Benjamin Britten sera invite à composer une nouvelle œuvre. On lui donnera carte-blanche tant qu’à la nature et l’envergure de l’œuvre, et Britten en profitera pour réaliser un projet qu’il considère depuis plus de 20 ans: une grande œuvre chorale.

Mais, tout aussi sinon plus important, Britten voit ici une occasion en or de manifester son dédain pour la Guerre, lui qui s’est objecté ouvertement à la Deuxième Guerre Mondiale et s’est réfugié en Amérique pendant la majorité du conflit.
Le résultat, son War Requiem (trad. Lit. Requiem de Guerre) n’est absolument pas une œuvre qui glorifie les héros Britanniques ou une œuvre à saveur nationaliste, mais plutôt un énoncé des convictions pacifiques du compositeur, une dénonciation des atrocités qu’on associe avec la guerre, mais pas une dénonciation des Hommes. Son intention d’unir trois solistes de trois nationalités différentes – un Allemand (Dietrich Fischer-Dieskau), un Britannique (Peter Pears) et une Russe (Galina Vishnevskaya) démontre que Britten comprend que son message implique plus que son public Anglais ou Anglophile. (Notons que Mme Vishnevskaya était absente lors de la première, remplacée à pied-levé par la Britannique Heather Harper).

War Requiem est plus qu’une dénonciation des conflits passés, mais se veut un avertissement aux générations qui suivront.
Tant qu’au texte du Requiem, Britten juxtapose la messe latine à des textes du poète Anglais Wilfred Owen, un soldat pendant la Première Guerre Mondiale, qui y laissera sa vie à quelques jours de l’Armistice. Owen écrira que sa poésie a peu à faire avec la Guerre, mais plutôt avec le désarroi de la Guerre, une mission qu’il entreprend afin de révéler la vérité, que la Guerre n’a rien de noble. Britten oppose les propos d’Owen au texte latin de façon à contraster le message d’horreur aux propos de deuil spirituels de la messe.

Pour réaliser son œuvre, Britten a recours à des effectifs gigantesques, divisant le tout en trois grands lots. La soprano est accompagnée par un grand orchestre (chantant le texte latin), le ténor et le baryton sont accompagnés par un orchestra de chambre (chantant les textes d’Owen), et un chœur de garçons est accompagné à l’orgue. Ces derniers, qui chantent avec la soprano le texte latin, sont préférablement éloignés du reste, leur conférant un son distant et parfois étrange. L’ensemble des exécutants sont finalement réunis lors du dernier volet du Requiem.

Le succès de War Requiem a beaucoup à faire avec la pertinence du message pacifiste de Britten. On ne peut pas oublier que l’oeuvre est créée alors que la Guerre Froide est à son apogée (le Mur de Berlin, la crise des missiles Cubains), un moment où l’Europe Occidentale et le Monde sentent qu’un autre grand conflit peut éclater à tout moment.

Bonne écoute!

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